Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/152

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La reine eut un geste d’incrédulité.

À ce moment, un formidable roulement de tambours éclata dans le bouquet de mûriers. Une voix puissante jeta un commandement, et les Français, brusquement, sortirent du bois, se dirigeant au pas de course vers la rivière. On aperçut l’éclat rouge des parements d’habits, la blancheur des bandoulières de buffle, et l’éclair des baïonnettes au bout des fusils.

À certaines nuances vertes ou dorées, dans la rivière, on reconnaissait qu’elle était guéable ; les Français entrèrent dans l’eau sans hésiter, toujours accompagnés par le tumulte des tambours ; mais ce bruit fut couvert, soudain, par un fracas de tonnerre : les canons de l’armée hindoue venaient de tirer.

Ce vacarme ne sembla pas avoir causé grand dommage au bataillon en marche. Quand la fumée se dissipa, les Français, pleins d’entrain, comme rafraîchis par le bain, escaladaient la rive opposée, suivant leur chef qui, l’épée à la main, courait le premier. On battit la charge et ils s’élancèrent baïonnettes en avant, en poussant des hurlements formidables.

Marphiz-Khan venait d’apparaître sur l’éléphant qui portait l’étendard frangé d’or du Carnatic et le guerrier, couvert de pierreries, resplendissait au soleil. Mais d’un élan irrésistible, poussant toujours ces cris étranges, les Français culbutèrent les canons, et se jetèrent impétueusement sur le premier rang des cavaliers. Ceux-ci crurent voir une bande de démons et, sans attendre la piqûre des baïonnettes étincelantes, tournèrent bride et s’enfuirent.