Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/163

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Tout à coup des acclamations enthousiastes éclatent au loin, se rapprochent rapidement ; tout le monde se lève dans les équipages et, entre les deux files arrêtées et rangées à droite et à gauche, passe, au grand trot, un escadron de gardes qui précède la voiture du gouverneur. Elle s’avance bientôt, toute scintillante de dorures, traînée par quatre chevaux harnachés de pourpre et d’or. Sur son passage, c’est comme un ouragan de cris : « Vive notre grand gouverneur ! Vive le vainqueur du nabab ! » Les femmes jettent des fleurs sous les pieds des chevaux.

Dupleix salue d’un air très digne. La bégum est auprès de lui, et sur le devant de la calèche, Chonchon, très droite et pâle d’émotion. Ils passent, suivis de douze lanciers qui portent des drapeaux.

Pour rentrer, les jeunes officiers passèrent par la ville, afin de couper au plus court, et Bussy regardait encore avec curiosité cette cité qui lui devenait déjà familière : les rues larges et droites, bordées de petites maisons précédées de jolies cours plantées d’arbustes, étaient encore toutes pavoisées à cause de la victoire de Dupleix sur l’armée du Nabab, que les habitants ne se lassaient pas de fêter.

La brise de mer venait de se lever et il y avait beaucoup de monde dehors. Les gens du peuple vêtus de sarraux, blancs comme la neige, qui faisaient ressortir le ton foncé de leur visage et de leurs jambes nues, assiégeaient les marchands de friture, et la graisse bouillante emplissait l’air d’une âcre odeur. Les flâneurs en riches toilettes formaient des îlots devant la vendeuse de fruits, accroupie entre les pyra-