Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en effet, un bâtiment qui venait de mouiller en rade. Sa chaloupe, mise à l’eau et conduite par de nombreux rameurs, était déjà tout proche de terre.

— Comme ils se hâtent, dit Kerjean, il doit y avoir des nouvelles graves. Allons tout droit au palais du gouvernement, nous les connaîtrons plus tôt.

On pressa l’allure de l’attelage et, après avoir traversé le canal qui sépare la ville blanche de la ville noire, couru quelque temps entre les cahutes des indigènes, dans les allées bordées de magnifiques cocotiers, ils sortirent de la ville par la porte Villenour et gagnèrent la résidence.

La nouvelle qui arrivait de France était grave en effet, terrible même : on avisait le gouverneur de l’Inde qu’une expédition des plus sérieuses, contre Pondichéry, avait été décidée par l’Angleterre, qui expédiait huit vaisseaux de guerre et onze transports chargés de troupes, sous le commandement de l’amiral Boscawen.

Et le danger suivait de près la nouvelle, il n’y avait pas une heure à perdre.

Dupleix était atterré.

Ce n’était plus la lutte, inégale encore, mais dont on espérait cependant triompher, que l’on redoutait auparavant ; on allait se trouver en présence de forces supérieures à tout ce qu’on avait vu jusque-là dans les mers de l’Inde. Et qu’envoyait-on au gouverneur pour tenir tête aux ennemis, pour soutenir l’honneur de la nation ? de l’argent, des troupes, des munitions ? Non, on lui donnait simplement le conseil, presque dérisoire, de faire bonne contenance !