Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/175

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Mais voici qu’il pousse un cri de douleur et de colère : la division la plus forte fait fausse route, elle a pris le plus long, le plus mauvais chemin.

— Que font-ils, les malheureux ? Qui donc les guide ? s’écrie-t-il avec désespoir. Leur artillerie va s’embourber, et l’ennemi les apercevoir bien avant qu’ils puissent tenter le moindre mouvement offensif.

Des sonneries de trompettes se font entendre dans le camp des Anglais, qui rassemblent en hâte toutes leurs forces ; et quand les Français, à grand’peine, sont sortis du mauvais pas, ils ont devant eux toute l’armée ennemie.

Alors, des deux côtés, éclate un feu terrible, dont le nuage enveloppe et dérobe bientôt le combat. Ne pouvant plus voir, Dupleix écoute ; il reconnaît bien la voix, plus proche et plus haute, de ses canons, et ils aboient ferme, sans relâche.

Par instants une déchirure du nuage laisse à découvert un détail de la bataille : un cavalier qui passe en gesticulant, quelques soldats redressant une pièce qui, en reculant, a perdu son aplomb ; ou bien, une épée haute dans la main d’un chef, et jetant une lueur ; puis de nouveau la cotonneuse et molle muraille, impénétrable, se referme.

Mais voici que le canon se tait subitement du côté des Français ; on n’entend plus qu’une fusillade irrégulière, qui se rapproche.

— Ils se replient, pense Dupleix ; que pourraient-ils faire en effet contre toutes les forces anglaises ?

Et il se penche, tendant l’oreille, inquiet, car il y a certainement du désordre dans cette retraite ; un