Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/189

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— Comment, ce traître ! cet ivrogne ! ma vie est moins que jamais en sûreté.

Dupleix avait appelé Bussy près de lui, et s’était fait traduire ce qui s’était dit entre le prince et le messager.

— Voilà une nouvelle des plus importantes, s’écria-t-il, un événement qu’en secret j’attendais depuis longtemps. Ne me quittez pas, Bussy. C’est aujourd’hui que je vous ouvrirai mon cœur.

Salabet-Cingh s’avança vers le gouverneur, lui serrant les mains.

— Le roi est mort, dit-il, et l’odieux Nasser-Cingh s’empare du trône. Accorde-moi encore ta protection ; sans elle, que deviendrai-je ?

— Rassurez-vous, cher prince, dit Dupleix, vous êtes en sûreté dans cette ville, nul n’osera vous attaquer sous le drapeau de la France. Cependant, si vous le désirez, je doublerai les gardes autour de votre palais.

— Non, non, c’est inutile ; le drapeau me garde mieux que mille hommes ; mais je dois te quitter, pour prendre le deuil, et faire des prières publiques.

Et, se tournant vers Bussy :

— Mon nouvel ami, n’oublie pas notre alliance, dit-il.

Et il lui tendit la main. Devant Dupleix, le marquis ne put refuser la sienne. Le prince la serra d’une étreinte nerveuse, puis il embrassa Dupleix, qui le reconduisit jusqu’à son palanquin.

Lorsque le gouverneur revint, la bégum, à qui un page parlait à voix basse, lui fit signe de s’approcher d’elle.