Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/227

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— Tu veux mourir, s’écria-t-elle d’une voix changée et avec un rire cruel, réjouis-toi donc, car tu vas être exaucé : pour toi cette chambre est un tombeau.

Il leva les yeux vers la reine. C’était bien maintenant son ennemie, au regard altier et dur, à la lèvre crispée de dédain. Il se détourna pour ne pas la voir ainsi.

— La mort sera la bienvenue, dit-il, qu’importe la vie maintenant ?

Brisé d’émotion, saturé de bonheur, il se laissa tomber sur les coussins, sans force, anéanti et vraiment désireux de mourir.

— Croyais-tu donc qu’un pareil jour aurait un lendemain ? dit-elle ; si le prince, mon fiancé, apprend jamais le crime de cette heure, il saura au moins, en même temps, que le coupable n’en a pas gardé une heure le souvenir.

Mais Bussy s’était relevé d’un bond, comme piqué par un dard brûlant.

— Ton fiancé ! cria-t-il, ah ! il ne fallait pas parler de lui ! J’étais soumis et résigné, prêt à tendre le cou à tes assassins ; pourquoi as-tu versé sur mon cœur le plomb fondu de la jalousie ? Cette douleur-là me redonne la force de vivre, et me rappelle que c’est à moi de tuer tous ceux qui voudraient t’approcher. Ton amour m’appartient, entends-tu, tout à l’heure tu me l’as donné dans ce baiser, et tu peux feindre de me haïr à présent, je ne te crois plus. Fuis-moi, fais-moi subir toutes les tortures que tu voudras, hormis celle d’appartenir à un autre ; cela je te le défends, et je vivrai pour t’empêcher de me désobéir.