Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/236

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il s’en est allé assiéger les Rajahs, pour en tirer d’énormes rançons, plantant là ses alliés, qui sont pourtant comme des lions à jeun.

— Mais, dit l’attabek, ta haute intelligence, aussi éblouissante que le soleil de midi, avait eu l’idée d’opposer aux lions des tigres, d’engager à ton service des soldats anglais, avec une artillerie égale à celle des Français.

— Ne me parle pas des Anglais, s’écria Nasser. Je leur ai ordonné par trois fois d’écraser le bataillon français, et ils n’ont pu le faire. Aussi l’on verra ce que je médite. Mon neveu est un imbécile, voilà le vrai : vidons une coupe à la bêtise de mon neveu.

Des échansons s’approchèrent et offrirent au roi une coupe d’or, doublée de rubis qui, même vide, semblait pleine de vin.

— Non, non, pas de vin ! et Nasser-Cingh ajouta d’un air mystérieux : Qu’on apporte une des fioles que m’a envoyées mon ami Dupleix.

C’était une bouteille au goulot cacheté, enveloppée de papier doré, contenant d’excellente eau-de-vie. On montra au roi que le cachet était intact.

— Plein, plein ! dit-il en tendant sa coupe.

Il la vida presque d’un trait. Ses yeux s’injectèrent de sang, larmoyèrent, la sueur perla sur son visage couleur d’ébène.

— Vivent les Français ! dit-il d’une voix de plus en plus rauque, voilà une boisson ! C’est de l’or, c’est du feu, c’est du soleil qui vous coule dans le sang ! Mais voici nos balances prêtes, continua-t-il. À l’ouvrage !

C’était un échafaudage compliqué, qu’on venait de