Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/267

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voile à demi fermé et proposant aux jeunes hommes de leur dire la bonne aventure.

Les tentes des guerriers s’alignaient dans un bel ordre, environnant la tente royale, haute et magnifique ; les parcs des éléphants, des chameaux et des chevaux, étaient enfermés par des cordes et des palissades ; puis tout autour de cette ville extraordinaire s’étendaient, bariolés et désordonnés, les plus singuliers faubourgs. Là, les abris étaient faits tantôt de vieux vêtements, étendus sur des pieux, tantôt d’un tapis, d’une couverture usée, de nattes, ou de feuilles de palmiers ; et quelquefois apparaissait, comme perdue, une tente luxueuse, au milieu d’un troupeau d’ânes ou de bœufs.

Les danses et les chants se prolongèrent jusqu’au coucher de la lune, puis ils cessèrent et la ville s’endormit.

À l’aube, l’Ombre de Dieu fut éveillée brusquement, par l’attabek, qui entra sous la tente royale, sans turban sur sa tête rasée, tant il s’était hâté de venir.

Nasser-Cingh le regardait avec de gros yeux, hébétés de sommeil et d’ivresse mal dissipée.

— Qu’est-ce que tu veux ? balbutia-t-il, prêt à se rendormir.

— Soutien du Monde, dit le vizir, les éclaireurs viennent de m’apprendre que le bataillon français est à une heure d’ici, et se met en marche pour nous attaquer.

— Le bataillon français ! répéta Nasser comme s’il comprenait mal ; passe-moi l’aiguière d’eau fraîche, ajouta-t-il.