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XXII

KAMA-DEVA

Lila avait bien vite compris, en voyant le trouble extraordinaire qui bouleversait la reine, après sa rencontre avec le jeune barbare, que c’était, pour ce cœur qui avait su, jusque-là, garder sa froideur hautaine, le commencement du premier amour. Inquiète et curieuse, elle avait interrogé Rugoonat Dat et appris que cet étranger, si brave et si fort, était très beau, et se disait l’égal des Kchatrias. Le brahmane lui avait raconté le peu qu’il savait de l’Europe, et elle était restée frappée surtout de la condition des femmes si supérieure à la leur, des égards qu’on leur témoignait, du respect qu’on avait pour elles.

— C’est un homme de ce pays-là qu’il nous faudrait pour roi, s’était-elle dit ; un guerrier intrépide, capable de défendre le royaume et de lui rendre sa force ; un époux qui partagerait le pouvoir et ne ferait pas de la reine sa première esclave. Mais, hélas ! nous sommes condamnés à un prince musulman, c’est--