Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers toi, sans perdre une minute. Je ne puis, hélas ! dérober plus d’une heure à mon devoir. »

Lila, feignant de prendre pour de la colère la pâleur et l’émotion de la reine, se jeta à ses pieds d’un air suppliant.

— Ah ! pardon, s’écria-t-elle, je n’ai pu résister à sa prière, et, sans avoir obtenu ta permission, j’ai cédé à l’irrésistible impulsion de mon cœur.

— Qu’as-tu donc fait ?

— J’ai fait ce qu’il demandait ; j’ai ordonné au messager de le conduire vers moi, à quelques pas d’ici.

— Ici ! il va venir ici !

Involontairement, la reine avait porté la main à son cœur pour en comprimer les battements désordonnés.

— Quel danger ! dit-elle encore.

— Personne ne le verra, reprit Lila. J’ai recommandé au messager de le conduire par des sentiers détournés, et il restera, hélas ! si peu, qu’on n’aura pas le temps de savoir sa présence.

— Eh bien, va, dit Ourvaci avec une vivacité fébrile ; je ne veux pas te faire perdre une seule de ces minutes, pour toi si précieuses ; il est peut-être là déjà.

— Non, pas encore, mon envoyé doit me prévenir, en imitant le cri de la maïna, dès qu’il sera revenu.

Sous le bosquet d’asoka on avait disposé, tout à l’entour, des bancs de gazon, que les pétales jonchaient. La reine se laissa tomber sur l’un d’eux, comme prise d’une invincible lassitude. Lila s’agenouilla devant elle, lui entourant la taille de ses bras.