Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/321

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Le hadjib, du bout de son doigt maigre, indiquait les monuments intéressants : le palais royal, la grande mosquée, la résidence du vizir, les écoles, les bazars, les marchés. D’un léger mouvement il parcourait de grands espaces. Il fut interrompu par un messager qui entra dans la salle. Bussy se retourna vivement et vit s’avancer vers lui un page du roi qui, s’agenouillant, lui remit une lettre :

« Je te salue dans ton palais, mon frère bien-aimé, disait Salabet-Cingh ; que le bonheur, en même temps que toi, en franchisse la porte ! »

Bussy, très ému, resta longtemps absorbé ; puis il se leva et sortit avec une suite peu nombreuse pour aller remercier le roi.

En chemin, il remarqua un petit rassemblement d’indigènes, qui semblaient murmurer contre un grenadier, qui s’éloignait tranquillement, en ayant l’air de les narguer. Bussy envoya un de ses gardes s’informer de ce qui se passait.

— Ce grenadier a cueilli une orange à travers la palissade d’un jardin, dit le garde en revenant, et le jardinier crie qu’il se plaindra au général, dont la défense de rien prendre sans payer, est connue.

— Il a pardieu raison, et justice lui sera faite, s’écria le marquis ; qu’on m’amène ce grenadier.

Le soldat s’avança ayant encore dans la main des morceaux du fruit.

— Est-ce vrai que tu as pris cette orange ?

— C’est vrai, dit le coupable en baissant la tête, j’avais soif, elle était à portée de ma main, je l’ai prise.