Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/327

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Le marquis voulut s’asseoir sur un tabouret, mais le roi l’attira auprès de lui.

— Ah ! Bussy, dit-il en soupirant, tu ne m’aimes pas !

Et comme le jeune homme protestait, le roi secoua la tête.

— Non, dit-il, je le sais, tu m’as donné un trône, mais tu me refuses ton amitié. Pourquoi ? Je ne puis le deviner.

— Ai-je manqué en quelque chose à mon roi ? s’écria Bussy.

— Oh ! jamais ! cette aversion se voile d’une courtoisie parfaite. Ton cœur est comme mon bouclier, tout couvert d’un réseau de perles, brodé de fleurs et d’oiseaux de diamants, mais sous son doux aspect, dur et impénétrable.

Le roi se penchait, regardait Bussy dans les yeux :

— Qui sait si sa froideur n’abrite pas un sentiment plus précieux que la vie, protégée par le métal que cachent les pierreries ?

Il l’interrogeait comme s’il eût voulu provoquer un aveu ; mais, sous l’invincible dureté du regard clair qui répondait au sien, il se rejeta en arrière :

— Ah ! toujours cette neige étincelante, que rien ne réchauffe ! s’écria-t-il avec douleur.

Mais il revint aussitôt et, d’un mouvement affectueux, lui prit la main.

— Malgré tout, je n’ai confiance qu’en toi, dit-il, et puisque tu t’ennuies près de moi, je veux t’envoyer en ambassade.

— En ambassade ! Où cela ? s’écria Bussy, sentant