Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/329

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— En ce moment, il médite ma mort, se disait-il. Mais il reprit d’une voix douce et calme : Grâce à ta valeur mon royaume est en paix, toutes les révoltes sont domptées, aucun danger ne nous menace donc, et ton absence est possible sans nous causer d’inquiétude. Le grand vizir et Kerjean conduiront les affaires, avec tes instructions, et t’informeront de tout. Des hérauts vont partir ce soir même pour annoncer la venue de l’ambassadeur, afin qu’il soit reçu comme il mérite de l’être, et je vais donner des ordres pour que ta suite, que je veux magnifique, soit prête rapidement. L’ambassadeur c’est le roi lui-même, et c’est mieux encore, puisque c’est Bussy, qui est plus que le roi.

Salabet se leva. Le marquis, d’une pâleur affreuse, s’inclinait sans parler.

— Je ne t’ai pas dit que c’est à Bangalore que je t’envoie.

— Je suis le serviteur du roi, balbutia Bussy.

Il aida le prince à remettre son casque, lui ragrafa le baudrier couvert de pierreries, dont les facettes des murailles s’embrasaient ; puis il l’accompagna, à travers les salles et les galeries, jusqu’au portail extérieur.

Avant de le quitter, le roi, appuyant ses deux mains sur les épaules de Bussy, le regarda encore une fois, longuement, avec une expression singulièrement triste, les yeux comme troublés de larmes ; mais le marquis, torturé de jalousie, ne sut pas les voir.

Enfin, Salabet-Cingh l’embrassa et, poussant un soupir, remonta à cheval, tandis que Bussy lui tenait l’étrier d’or.