Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/338

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présomptueux d’en avoir été certain. Cela était si délicieux à croire ! Mais quelles preuves ai-je donc ? Un mouvement de compassion, pour un homme qu’elle poussait dans la mort, quelques regrets d’avoir été aussi cruelle, et une minute de langueur dans son beau regard lié au mien, c’est assez pour me rendre fou à jamais, c’est trop peu pour que j’exige d’elle la rupture d’anciennes promesses et le refus d’un trône.

— Mais tout ce que t’a dit la princesse Lila ?

— Ce sont des conjectures. Ourvaci n’a jamais rien avoué.

— Qu’arrive-t-il ? Le cortège s’arrête.

On était aux portes de Bangalore, et des envoyés de la reine venaient recevoir l’ambassadeur.

La cité apparaissait, festonnant le ciel de ses tours et de ses créneaux, et un cortège s’avançait.

Sous l’arc élevé de l’entrée, comme une nuée de colombes se combattant, les bouquets de plumes, ornant les hampes des bannières, se heurtaient, s’enchevêtraient, puis, franchissant la voûte, parurent prendre leur vol, et les étendards flottèrent librement, ondoyèrent comme des flots d’azur et d’or. Alors la ville, par cette porte ouverte, sembla jeter un cri de bienvenue, avec la voix des musiques tout à coup retentissantes.

Les éléphants, peints en vermillon, se montrèrent ; leur front large, couronné d’un bandeau brodé, dominait la foule, et l’on voyait sur leur dos osciller de blancs parasols ; puis des cavaliers s’élancèrent, dans un galop gracieux et léger, et le soleil couchant faisait autour d’eux, de la poussière soulevée, une nuée rose.