Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne puis satisfaire ton désir en répondant à tes questions, dit-il, je n’en ai pas le droit ; mais je puis t’affirmer que tu es en sûreté ici et que, aussitôt guéri, tu seras libre d’aller où tu voudras.

— Où est mon épée ? s’écria Bussy, qui eut le sentiment qu’il était sans armes à la merci d’inconnus.

— Un hôte, quel qu’il soit, est sacré pour un Hindou, dit le brahmane ; avec ou sans armes ; tu n’as rien à craindre de nous.

— Ton épée, jeune intrépide, tu l’as laissée dans le corps de la tigresse, dit le médecin, peut-être l’a-t-on retirée ébréchée et les armuriers la réparent. Si elle est gâtée, réjouis-toi, on t’en donnera de plus belles.

Le blessé voulut répondre, mais le médecin lui imposa silence en lui présentant un breuvage.

— Bois ceci, lui dit-il, pour éviter la fièvre, s’il est possible, et tâche de dormir. Si tu as une nuit calme, demain je te permettrai de manger. Rajah Rugoonat Dat, ajouta-t-il en se tournant vers son compagnon, je suis prêt à te suivre.

— Sois en paix, mon fils, dit le brahmane.

Et les deux inconnus se retirèrent majestueusement.

Bussy les regarda partir en se soulevant un peu ; il les vit jeter un regard de dégoût sur les êtres qu’il prenait pour des serviteurs, et qui restaient la face contre terre, aplatis sur le sol ; puis, échangeant un coup d’œil et un haussement d’épaules, dont il ne put comprendre le sens, ils disparurent à l’angle de la galerie.

Le jeune marquis éprouvait une vague colère, sans