Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/392

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avait de soldats dans le cortège part avec moi, avant une heure. Le reste de la suite, les éléphants et les esclaves se mettront en route demain.

— Comment ! dit Ourvaci, tu ne me donnes même pas cette journée ?

— Ô reine, s’écria-t-il, te causer un regret, quelle douleur et quel orgueil ! Mais décide toi-même s’il m’est possible de ne pas voler, sans perdre un instant, au secours d’un roi qui vient de se montrer si généreux.

— C’est vrai, dit-elle, en baissant la tête, c’est impossible, il faut partir.

Elle semblait suffoquer, prête à s’évanouir.

— Quelle triste reine, n’est-ce pas ? reprit-elle en essayant de sourire. Sans courage !… Oh ! je ne suis pas toujours ainsi ; mais je ne sais quelle angoisse m’oppresse, il me semble que nous sortons de la lumière pour entrer dans une ombre opaque et sans issue. Ah ! j’ai beau vouloir le chasser, un pressentiment funeste me tient dans ses serres et me dévore le cœur.

Et elle cacha sur l’épaule de Lila son visage inondé de larmes.

Bussy, agenouillé devant elle, lui baisait les mains.

— Hélas ! elle m’ôte toute ma force ! disait-il ; la voir souffrir est une torture impossible à supporter.

— Ma douce reine, ne te laisse pas abattre à ce point, dit Lila en lui caressant les cheveux ; la secousse trop brusque de cette séparation est affreuse, c’est vrai ; mais l’ambassadeur ne devait pas rester toujours ; songe qu’il reviendra victorieux, et que, d’ici là, la renommée nous parlera de lui.