Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/403

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De l’intérieur, quelqu’un vint au-devant de lui.

— Eh bien, Naïk ? demanda anxieusement celui qui entrait et qui était Arslan-Khan.

Le paria avait le visage inondé de larmes.

— Il est mort ?

— Non, il vit ; mais l’espoir fuit de nos cœurs, comme le vin d’une coupe brisée.

— Allah est grand ! il peut faire un miracle.

Naïk secoua la tête.

— Venez, dit-il, mais ôtez vos armes, la vue de l’acier lui fait peur.

— Bussy a peur d’une épée ! Hélas, il est bien perdu, dit Arslan, les yeux humides. Je suis certain maintenant qu’on voulait m’éloigner en me désignant pour porter au Mogol le tribut du roi. Parti au milieu de la joie et des triomphes, je retrouve, après quelques mois, désastre et malheur.

— L’assassinat de Rugoonat-Dat a été le premier éclair de cet orage terrible, dit Naïk.

— L’assassin, c’est ce misérable Panch-Anan !

— Je n’en ai pas douté un moment ; le ministre avait parlé d’une lettre dangereuse, écrite par lui à la princesse Lila, et qui avait été interceptée. Aussi, quand j’ai vu le cher brahmane mort, une inquiétude affreuse s’est emparée de moi. J’étais sûr de notre cuisinier et tous les plats arrivaient sur la table enfermés et scellés par lui. Mais j’avais supplié le maître de ne pas boire, même une goutte d’eau, hors du palais et il me l’avait promis en riant, ne croyant pas au danger. Malgré cela, je ne vivais pas, j’avais le pressentiment du poison. Hélas ! un jour, en sor-