Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/424

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rupture, avant de renouer les relations fraternelles auxquelles il ne voulait pas renoncer.

La princesse avait obéi, elle s’était tue ; Bussy voyait dans ce silence l’aveu de la trahison.

Dupleix, lui non plus, ne répondait pas. Ah ! si la lettre écrite dans un moment de folie ne lui était pas parvenue, s’était perdue ! À présent qu’il se retrouvait dans cette chambre aux lumineux frémissements, que tout était rétabli comme par le passé, il aurait pu croire qu’il s’éveillait d’un mauvais rêve, reprendre ses douces pensées d’autrefois, vers lesquelles son esprit glissait de lui-même. La chère vision, appelée si souvent, reparaissait dans ce lieu où elle se croyait sûre d’être la bienvenue ; les facettes des murailles, comme si elles en avaient gardé le reflet, faisaient revivre les brûlantes rêveries dont elles avaient été témoins ; le moelleux divan, où le désespoir l’avait renversé tout à l’heure, l’enveloppait de ses douceurs endormantes, et il se laissait aller à oublier le présent, à s’abandonner aux souvenirs qui l’assaillaient, pour leur dire un dernier adieu.

Il songeait aux joies délicieuses que les moindres choses lui avaient fait éprouver, et regrettait même ses anciennes souffrances, qui n’étaient pas comparables à ce qu’il endurait aujourd’hui ; il pensait aux rages jalouses qui l’avaient fait se rouler en pleurant sur ce divan, alors qu’il redoutait son mariage à elle, et aujourd’hui c’était lui, quand elle était libre, qui sur un soupçon non confirmé s’était follement enchaîné.

Il n’aurait pas dû revenir dans cet étrange et