Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/53

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— Comme vous le savez, la ville s’est rendue à nous à discrétion, et notre facile victoire était complète. Mon oncle Dupleix, en félicitant le commandant de son succès, lui recommandait, par-dessus tout, de raser la place et d’employer tous les moyens pour ruiner les établissements de nos adversaires. Mais l’amiral n’aime pas à suivre les conseils, et après plusieurs conférences secrètes avec le gouverneur Morse et l’état-major anglais, le bruit d’une capitulation signée, d’une rançon convenue, commença à se répandre.

— Est-ce possible !

— C’est certain. Le conseil supérieur de Pondichéry, qu’en sa qualité de gouverneur de l’Inde mon oncle préside, a fait à l’amiral toutes les représentations possibles, pour le convaincre que ce traité de rançon si funeste, même si les conditions en étaient remplies, n’avait aucune valeur, étant conclu par des prisonniers de guerre, et qu’aucun des engagements pris ne serait tenu.

— C’est évident.

— Évident pour tous, excepté pour M. de La Bourdonnais, car il est resté sourd à tous les avis. Il est, pour moi, certain qu’il a reçu des Anglais un million, pour rendre la ville, au prix d’une rançon illusoire, et que ce million est déjà en sûreté.

Bussy s’était levé, pâle et tremblant d’indignation.

— Ah ! monsieur, rétractez de pareilles paroles ! n’accusez pas d’une telle infamie un Français, un héros comme celui dont il s’agit, ou je me verrai forcé de me considérer comme insulté avec lui.

— Cette belle colère fait que je vous aime davan-