Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/79

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sommeil la fuit. Elle montre même de la colère contre le brahmane, qui épuise en vain son trésor pour lui rendre Dourga et Siva favorables. Panch-Anan affirme que les rites de la purification ayant été accomplis par lui-même sont infaillibles ; qu’une cérémonie aussi solennelle ne peut être renouvelée avant qu’on ait découvert la cause qui l’a empêchée de réussir, et que cette cause, il la cherchera. Voilà où ils en sont. J’ai cru en savoir assez et j’ai quitté le palais pour te rejoindre, ô mon maître !

— Quelle bizarre aventure ! dit Bussy. Ne serait-ce pas vraiment une belle victoire que de vaincre tous ces préjugés et de conquérir cette femme ? Mais je me dois à mon pays et n’ai pas de temps à perdre à toutes ces folies. Donc, nous n’en parlerons plus.

Kerjean venait de passer la tête par la porte, en s’étirant et en bâillant. Il regarda avec surprise le maigre Naïk émergeant de la couverture.

— Qu’est cela ? cher ami, s’écria-t-il en entrant tout à fait.

— Quelque chose comme un chien perdu que j’adopte ; un cœur dévoué qui se donne à moi.

— Vraiment ? Mais d’où sort celui-ci, maigre comme un fakir, qui me regarde avec ses énormes yeux ?

— Je dois vous avertir, mon cher — car peut-être vous croyez, vous aussi, aux souillures — que cet homme est un paria.

Le jeune homme fit un bond en arrière :

— Un paria ! Qu’allez-vous faire d’un paria ? Ses pareils sont des êtres abjects, plus stupides que les brutes. Votre bon cœur vous égare.