Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/90

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Il y eut un long silence de consternation ; le brave Paradis se cachait pour essuyer ses larmes.

— Et que dit de cela La Bourdonnais ? demanda enfin de La Touche.

— L’amiral est consterné, et je crois que nous serons bientôt débarrassés de lui. Mais j’y songe, vous ne savez rien depuis que ce misérable vous tient sous les verrous ? Voici le nouveau : des instructions complémentaires sont arrivées de France donnant tout pouvoir à mon oncle Dupleix et au Conseil supérieur ; La Bourdonnais a seulement voix délibérative, mais doit se soumettre aux décisions prises.

— Voilà qui est écrasant ! s’écria Changeac.

— L’amiral résiste encore ; mais le fond de sa pensée lui est échappé après boire ; il s’est écrié, paraît-il : « Mon affaire est sale ! j’ai agi trop vite ; mais je sais un moyen de me tirer de là ». Et il dit à qui veut l’entendre qu’il donnerait un bras pour ne jamais avoir mis les pieds à Madras.

— Ce bras-là aurait sauvé sa tête, qui n’est pas solide sur ses épaules, grommela Paradis.

— Ce qui l’écrase, continua Kerjean, c’est la ruine de son escadre, il faut qu’il cède à présent et qu’il parte au plus vite avec les débris de ses vaisseaux. Mais il nous laisse dans une jolie situation ! Si le coup de vent n’a pas épargné Pondichéry, où sont mouillés le Lys, le Saint-Louis et la Renommée, nous n’avons plus un navire sur la côte de Coromandel et l’escadre anglaise, à l’abri dans un port sûr, existe dans son entier, et va nous tomber dessus au premier jour.

— Et les canons prêtés par Dupleix, s’écria Bury,