Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/14

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d’enfant, étaient peureux et suppliants, ses joues, veloutées comme les ailes des papillons, rougissaient un peu, et sa petite bouche, entr’ouverte d’admiration, laissait briller des dents blanches comme des gouttes de lait.

— Pardonne-moi, disait-elle, pardonne-moi d’être en ta présence sans ta volonté.

— Je te pardonne, pauvre oiseau tremblant, dit Fidé-Yori, car si je t’avais connue et si j’avais su ton désir, ma volonté eût été de te voir. Que veux-tu de moi ? Est-il en ma puissance de te faire heureuse ?

— Ô maître ! s’écria la jeune fille avec enthousiasme, d’un mot tu peux me rendre plus radieuse que TenSio-Daï-Tsin, la fille du soleil.

— Et quel est ce mot ?

— Jure-moi que tu n’iras pas demain à la fête du Génie de la mer.

— Pourquoi ce serment ? dit le siogoun, étonné de cette étrange supplique.

— Parce que, dit la jeune fille en frémissant sous les pieds du roi, brusquement un pont s’effondrera et que, le soir, le Japon n’aura plus de maître.

— Tu as sans doute découvert une conspiration ? dit Fidé-Yori en souriant.

Devant ce sourire d’incrédulité, la jeune fille pâlit et ses yeux s’emplirent de larmes.

— Ô disque pur de la lumière s’écria-t-elle, il ne me croit pas ! Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent n’est rien. Voici l’obstacle terrible et je n’y avais pas songé. On écoute la voix du grillon qui annonce la chaleur, on prête l’oreille à la grenouille qui coasse une promesse de pluie ; mais une jeune fille qui vous crie : Prends garde ! j’ai vu le piège, la mort est sur ton chemin on ne l’écoute pas et on marche droit au