Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/387

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temple de Naïkou, afin de purifier leur âme. C’est pourquoi cette ville est sans cesse encombrée de pèlerins, qui arrivent ou repartent ; les uns sont venus à cheval ou en norimono ; d’autres, et ce sont les plus méritants, à pied, portant une natte de paille qui leur sert de lit, et une longue cuillère de bois, pour puiser l’eau aux ruisseaux du chemin.

Le temple est d’une grande simplicité, c’est un petit bâtiment, ouvert sur une de ses faces, surmonté d’un large toit de chaume, environné de cèdres centenaires et précédé, à une vingtaine de pas, par un Torié, portique sacré, qui se compose de deux hautes poutres se penchant un peu l’une vers l’autre et qui sont rejointes à leur faite par deux traverses, dont la plus haute a ses extrémités recourbées vers le ciel. Le temple n’abrite qu’un grand miroir rond, en métal poli, symbole de clairvoyance et de pureté.

C’est en face de ce miroir, sur les quelques marches de bois qui conduisent au temple, que le prince de Nagato vint s’agenouiller, à l’instant que la Kisaki lui avait indiqué. Il faisait nuit déjà, la lune était levée, et sa lumière, brisée par le crible des hautes branches et des feuillages, tombait sur le sol. La solitude se faisait autour du temple : les prêtres étaient rentrés, dans les pagodes somptueuses qui avoisinent le monument rustique des premiers âges ; les pèlerins s’étaient éloignés, on n’entendait plus que le vague frisson des cèdres dans le vent.

Le prince prêtait l’oreille. Impressionné malgré lui par la sainteté du lieu, il trouvait la nuit étrangement solennelle. Le silence avait quelque chose de menaçant, l’ombre des cèdres était hostile, le regard bleu de lune semblait pleurer sur lui. Pourquoi une angoisse invincible oppressait-elle ainsi son cœur ? Qu’allait-il