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le collier des jours

Elle me découvrit tout à coup.

— Boudillou !… C’est ma petite nièce, cet amour-là ? s’écria-t-elle, est-elle jolie la bagasse !…

Et, m’attirant entre ses genoux, elle me dit les gentillesses les plus flatteuses, mêlées de mots inconnus.

Son installation dans l’appartement causa un grand remue-ménage ; les tantes lui abandonnèrent leur lit, émigrèrent dans la chambre aux légumes ; mais je ne fus pas déplacée, et l’idée ne m’effraya pas de coucher dans le voisinage de cette extraordinaire personne.

Cette tante d’Avignon, dont je n’avais pas entendu parler jusque-là, s’appelait : Mion Gautier (Marie, sans doute). C’était l’unique sœur de grand-père, un peu plus jeune que lui. Elle habitait Avignon, dans une petite maison de la rue Calade, qui lui appartenait, et elle vivait là, toute seule, n’ayant jamais été mariée.

On me raconta, plus tard, la cause du célibat de cette bonne tante Mion, qui avait été dans sa jeunesse très romanesque et d’un idéalisme intransigeant. Elle était fiancée à un jeune homme, sans doute plein de qualités, à qui elle en prêtait d’autres encore, qu’elle considérait comme un héros, un être éthéré, exempt de tout le prosaïsme de la vie. Il venait faire sa cour chaque jour, et elle l’attendait en rêvant, guet-