Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
le collier des jours

blancs et des escarpins vernis, le tout méticuleusement propre et correct avec un cachet voulu de simplicité anglaise et comme l’intention de se séparer du genre artiste, à chapeau de feutre mou, à veste de velours, à vareuse rouge, à barbe prolixe et à crinière échevelée. Rien de trop frais, ni de trop voyant dans cette tenue rigoureuse. Charles Baudelaire appartenait à ce dandysme sobre qui râpe ses habits avec du papier de verre pour leur ôter l’éclat endimanché et tout battant neuf si cher au philistin et si désagréable pour le vrai gentleman. Plus tard même, il rasa sa moustache, trouvant que c’était un reste de vieux chic pittoresque, qu’il était puéril et bourgeois de conserver… »

Déjà, il avait coupé cette moustache et c’est ce qui lui donnait pour moi l’air d’un prêtre. Je le regardais avec ces yeux écarquillés et fixes que j’avais devant toute chose nouvelle.

— Je te présente mon autre fille, dit mon père.

— Ah ! c’est ce mystérieux « Ouragan » dont on parle quelquefois et qu’on ne voit jamais ?… Tu l’as exécutée, à ce qu’il me semble, sur le modèle de ton rêve, car elle a l’air d’une petite fille grecque.

— Ma foi, je n’y pensais guère en la faisant, dit mon père en riant.