Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/331

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tardivement apparue, leur vieillesse hagarde trembla d’admiration ; tandis qu’ils franchissaient le Portail du Sud, leur sang lourd et inerte se hâtait dans leurs veines.

— D’où venez-vous ? cria une sentinelle.

— Du champ de Chi-Tse-Po, répondirent-ils.

Saluant avec respect, ils entrèrent dans Pei-King. La ville était tout émue encore des événements récents. Des groupes inquiets parlaient à voix basse. On voyait rôder des soldats tartares à la mine farouche. Aux fenêtres pendaient des lambeaux de bannières déchirées. Quelques maisons brûlées à moitié fumaient çà et là. Les deux voyageurs, éblouis, hésitaient devant les larges avenues, ne sachant vers quel point se diriger ; timidement ils accostèrent un passant.

— C’est aujourd’hui, dirent-ils, qu’on proclame chef de l’Empire Ta-Kiang, le glorieux laboureur. Indique-nous le chemin pour parvenir jusqu’à lui.

— Ah ! ah ! répondit le passant avec un mauvais sourire, Ta-Kiang ? Suivez cette multitude d’hommes et de femmes qui se hâtent vers la Porte de l’Aurore, et vous ne manquerez pas de voir Ta-Kiang, bonnes gens.

Les deux vieillards se mêlèrent à la foule tumultueuse qui remontait l’Avenue du Centre et gagnèrent avec elle un grand carrefour situé au centre de la Cité Tartare.

Là, depuis le lever du soleil, le bourreau ouvrait et repliait le bras, des vivants faisant des morts. Des monticules formés de corps sanglants et des mon-