Page:Gautier - Le Japon (merveilleuses histoires), 1912.djvu/86

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ministre des finances du clan. En gens habiles, ils font mine de se disperser pour dérouter toute surveillance.

Le chambellan s’attend bien à des représailles ; aussi, pendant longtemps il se méfie. Puis, comme le temps s’écoule sans que ses ennemis fassent un mouvement offensif, ses craintes s’évanouissent, et il s’endort dans une trompeuse sécurité. C’est le moment qu’attendaient les conjurés. Un soir d’hiver, Kuranosake rassemble les siens. La neige épaisse étouffe le bruit de leurs pas ; ils vont en silence enveloppés dans leurs manteaux sombres, les traits dissimulés sous des masques. Ils arrivent au palais de Kozuke dont ils escaladent les murs. Une fois dans l’enceinte ils se démasquent, allument leurs torches et avec des cris affreux se précipitent à l’assaut. Ils ont vite triomphé de la résistance de leurs adversaires, mais le chambellan s’est caché dans le magasin de charbon. On l’y découvre après de longues recherches, et on veut le contraindre à faire « hara-kiri. » Il refuse. Alors, les Rônin, écœurés de sa lâcheté, le transpercent de leurs lances et lui coupent la tête qu’ils vont porter comme trophée sur le tombeau d’Ako. Puis, ils vont se constituer prisonniers. En somme, leur acte est légitime d’après les coutumes du pays et il excite l’admiration du peuple, qui demande la grâce des quarante-sept samouraïs. Mais ils se sont attaqués à un trop haut personnage et ils sont condamnés au suicide. Le jour venu, on les mène, tout habillés de