Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/115

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à travers les épaisses murailles de briques.

La fille de Pétamounoph et Nofré, à qui les serviteurs avaient fait faire place, se tenaient à cet angle, sur le sommet du talus, de façon à voir défiler tout le cortège sous leurs pieds.

Une prodigieuse rumeur, sourde, profonde et puissante comme celle d’une mer qui approche, se fit entendre dans le lointain et couvrit les mille susurrements de la foule : ainsi le rugissement d’un lion fait taire les miaulements d’une troupe de chacals. Bientôt le bruit particulier des instruments se détacha de ce tonnerre terrestre produit par le roulement des chars de guerre et le pas rythmé des combattants à pied ; une sorte de brume roussâtre, comme celle que soulève le vent du désert, envahit le ciel de ce côté, et pourtant la brise était tombée ; il n’y avait pas un souffle d’air, et les branches les plus délicates des palmiers restaient immobiles comme si elles eussent été sculptées dans le granit des chapiteaux ; pas un cheveu ne frissonnait sur la tempe moite des femmes, et les barbes cannelées de leurs coiffures s’allongeaient flasquement derrière leur dos. Ce brouillard poudreux était produit par l’armée en marche, et planait au-dessus d’elle comme un nuage fauve.