Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/130

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des guépards s’écrasant contre terre comme pour se cacher, des autruches battant des ailes, des girafes dépassant la foule de toute la longueur de leur col, et jusqu’à des ours bruns pris, disait-on, dans les montagnes de la Lune.

Depuis longtemps déjà le roi était rentré dans son palais que le défilé continuait encore.

En passant devant le talus où se tenaient Tahoser et Nofré, le Pharaon, que sa litière posée sur les épaules des oëris mettait par-dessus la foule au niveau de la jeune fille, avait lentement fixé sur elle son regard noir ; il n’avait pas tourné la tête, pas un muscle de sa face n’avait bougé, et son masque était resté immobile comme le masque d’or d’une momie ; pourtant ses prunelles avaient glissé entre ses paupières peintes du côté de Tahoser, et une étincelle de désir avait animé leurs disques sombres : effet aussi effrayant que si les yeux de granit d’un simulacre divin, s’illuminant tout à coup, exprimaient une idée humaine. Une de ses mains avait quitté le bras de son trône et s’était levée à demi ; geste imperceptible pour tout le monde, mais que remarqua un des serviteurs marchant près du brancard, et dont les yeux se dirigèrent vers la fille de Pétamounoph.

Cependant la nuit était tombée subitement,