Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/182

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— Personne, mais Tahoser est très-belle ; elle a vu déjà seize fois la crue et la retraite du Nil. Seize est le nombre emblématique de la volupté, et depuis quelque temps elle appelait à des heures étranges ses joueuses de harpe, de mandore et de flûte, comme quelqu’un qui veut calmer le trouble de son cœur par de la musique.

— Tu parles très-bien, et la sagesse habite ta vieille tête chauve ; mais comment as-tu appris à connaître les femmes, toi qui ne fais que piocher la terre du jardin et porter des vases d’eau sur ton épaule ? »

L’esclave élargit ses lèvres dans un sourire silencieux et montra deux rangées de longues dents blanches capables de broyer des noyaux de dattes ; cette grimace voulait dire : « Je n’ai pas toujours été vieux et captif. »

Illuminée par la suggestion de Souhem, Nofré pensa tout de suite au bel Ahmosis, l’oëris de Pharaon, qui passait si souvent au bas de la terrasse et qui avait si bonne grâce sur son char de guerre au défilé triomphal ; comme elle l’aimait elle-même, sans bien s’en rendre compte, elle prêtait ses sentiments à sa maîtresse. Elle revêtit une robe moins légère et se rendit à la demeure de l’officier : c’était là, imaginait-elle, que