Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/186

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traversait de temps à autre un ibis le bec au vent et les pattes tendues en arrière.

Amensé et Twéa, lasses de nager, étaient sorties de l’eau, et, agenouillées au bord du bassin, étalaient au soleil pour la sécher leur épaisse chevelure noire, dont les mèches d’ébène faisaient paraître leur peau plus blanche encore ; les dernières perles du bain roulaient sur leurs épaules lustrées et sur leurs bras polis comme le jade ; des servantes les frottaient d’essences et d’huiles aromatiques, tandis qu’une jeune Éthiopienne leur offrait à respirer le calice d’une large fleur.

On eût dit que l’ouvrier qui avait sculpté les bas-reliefs décoratifs des salles du gynécée avait pris ces groupes pleins de grâce pour modèles ; mais Pharaon n’eût pas regardé d’un œil plus froid le dessin incisé dans la pierre.

Juché sur le dossier du fauteuil, le singe privé croquait des dattes et faisait claquer ses dents ; contre les jambes du maître le chat favori se frottait en arrondissant le dos ; le nain difforme tirait la queue du singe et les moustaches du chat, dont l’un glapissait et l’autre jurait, ce qui ordinairement déridait Sa Majesté ; mais Sa Majesté n’était pas ce jour-là en train de rire. Elle écarta le chat, fit descendre le singe du