Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/193

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pour la rafraîchir, l’outre qui contient leur boisson. »

Tahoser obéit et se plaça sous l’arbre, les bras croisés sur les genoux, et les genoux au menton.

De la muraille du jardin, la plaine s’étendait jusqu’aux premiers escarpements de la chaîne libyque, comme une mer jaune, où le moindre souffle d’air creusait des vagues d’or. La lumière était si intense que le ton d’or du blé blanchissait par places et prenait des teintes d’argent. Dans l’opulent limon du Nil, les épis avaient poussé vigoureux, drus et hauts comme des javelines, et jamais plus riche moisson ne s’était déployée au soleil, flambante et crépitante de chaleur ; il y avait de quoi remplir jusqu’au faîte la ligne de greniers voûtés qui s’arrondissaient près des celliers.

Les travailleurs étaient depuis longtemps déjà à l’ouvrage, et l’on voyait de loin émerger des vagues du blé leur tête crépue ou rase, coiffée d’un morceau d’étoffe blanche, et leur torse nu, couleur de brique cuite. Ils se penchaient et se relevaient avec un mouvement régulier, sciant le blé de leurs faucilles au-dessous de l’épi, avec autant de régularité que s’ils eussent suivi une ligne tirée au cordeau.