Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/204

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se réjouir au soleil ; mais l’ombre leur rend toute leur audace.

Tahoser n’y avait pas pensé. La passion ne calcule pas. L’idée de ce péril lui fût-elle venue, elle l’aurait bravé, elle si timide pourtant, et qu’effrayait un papillon obstiné qui voltigeait autour d’elle, la prenant pour une fleur.

Tout à coup la barque s’arrêta, quoique la rive fût encore à quelque distance. Poëri, suspendant son travail de pagaie, parut promener ses regards autour de lui avec inquiétude. Il avait aperçu la tache blanchâtre produite sur l’eau par la robe roulée de Tahoser.

Se croyant découverte, l’intrépide nageuse plongea bravement, résolue à ne remonter à la surface, dût-elle étouffer, que lorsque les soupçons de Poëri seraient dissipés.

« J’aurais cru que quelqu’un me suivait à la nage, se dit Poëri en se remettant à ramer ? Mais qui se risquerait dans le Nil à cette heure ? J’étais fou. J’ai pris pour une tête humaine coiffée d’un linge une touffe de lotus blancs, peut-être même un simple flocon d’écume, car je ne vois plus rien. »

Lorsque Tahoser, dont les veines sifflaient dans les tempes, et qui commençait à voir passer