Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/210

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bien le sens pour son malheur : car Poëri et Ra’hel s’exprimaient dans la langue de la patrie, si douce à l’exilé et au captif.

L’espérance est dure à mourir au cœur amoureux.

« Peut-être est-ce sa sœur, se dit Tahoser, et vient-il la voir secrètement, ne voulant pas qu’on sache qu’il appartient à cette race réduite en servitude. »

Puis elle appliquait son visage à la crevasse, écoutant avec une douloureuse intensité d’attention ces mots harmonieux et cadencés dont chaque syllabe contenait un secret qu’elle eût donné sa vie pour savoir, et qui bruissaient vagues, fugitifs, dénués de signification à ses oreilles, comme le vent dans les feuilles et l’eau contre la rive.

« Elle est bien belle… pour une sœur… murmurait-elle, en dévorant d’un œil jaloux cette figure étrange et charmante, au teint pâle, aux lèvres rouges, que rehaussaient des parures de formes exotiques, et dont la beauté avait quelque chose de mystérieusement fatal.

— Ô Ra’hel ! ma bien-aimée Ra’hel », disait souvent Poëri.

Tahoser se souvint de lui avoir entendu mur-