Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/246

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les colliers d’émaux et les calasiris de gaze transparente ; aussi tu m’as trouvée laide.

— Il faut renoncer à ton pays et me suivre aux régions inconnues à travers le désert, où le soleil brûle, où le vent de feu souffle, où le sable mobile mêle et confond les chemins, où pas un arbre ne pousse, où ne sourd aucune fontaine, parmi les vallées d’égarement et de perdition, semées d’os blanchis pour jalons de route.

— J’irai, dit tranquillement Tahoser.

— Ce n’est pas assez, continua Poëri : tes dieux ne sont pas les miens, tes dieux d’airain, de basalte et de granit que façonna la main de l’homme, monstrueuses idoles à tête d’épervier, de singe, d’ibis, de vache, de chacal, de lion, qui prennent des masques de bête comme s’ils étaient gênés par la face humaine où brille le reflet de Jéhovah. Il est dit : « Tu n’adoreras ni la pierre, ni le bois, ni le métal. » Au fond de ces temples énormes cimentés avec le sang des races opprimées, ricanent hideusement accroupis d’impurs démons qui usurpent les libations, les offrandes et les sacrifices : un seul Dieu, infini, éternel, sans forme, sans couleur, suffit à remplir l’immensité des cieux que vous peuplez d’une multitude de fantômes. Notre Dieu nous