Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/277

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Elle se plongeait dans les lingots jusqu’aux épaules, les brassait, les agitait, les roulait, les faisait sauter ; ses lèvres tremblaient, ses narines se dilataient, et sur son échine convulsive couraient des frissons nerveux. Enivrée, folle, secouée de trépidations et de rires spasmodiques, elle jetait des poignées d’or dans son sac en disant : « Encore ! encore ! encore ! » tant qu’il fut bientôt plein jusqu’à l’ouverture. Timopht, que le spectacle amusait, la laissait faire, n’imaginant pas que ce spectre décharné pût remuer ce poids énorme ; mais Thamar lia d’une corde le sommet de son sac et, à la grande surprise de l’Égyptien, le chargea sur son dos. L’avarice prêtait à cette carcasse délabrée des forces inconnues : tous les muscles, tous les nerfs, toutes les fibres des bras, du cou, des épaules, tendus à rompre, soutenaient une masse de métal qui eût fait plier le plus robuste porteur de la race Nahasi ; le front penché comme celui d’un bœuf quand le soc de la charrue a rencontré une pierre, Thamar, dont les jambes titubaient, sortit du palais, se heurtant aux murs, marchant presque à quatre pattes, car souvent elle envoyait ses mains à terre pour ne pas être écrasée sous le poids ; mais enfin elle sortit, et la charge d’or lui appartenait légitimement.