Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/314

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travers cette masse compacte, devaient y faire d’affreux ravages.

Mosché étendit son bâton sur la mer après avoir invoclué l’Éternel ; et alors eut lieu un prodige que nul hiéroglyphite n’eût pu contrefaire. Il se leva un vent d’orient d’une violence extraordinaire, qui creusa l’eau de la mer des Algues comme le soc d’une charrue gigantesque, rejetant à droite et à gauche des montagnes salées couronnées de crêtes d’écume. Séparées par l’impétuosité de ce souffle irrésistible qui eût balayé les Pyramides comme des grains de poussière, les eaux se dressaient en murailles liquides et laissaient libre entre elles un large chemin où l’on pouvait passer à pied sec ; à travers leur transparence, comme derrière un verre épais, on voyait les monstres marins se tordre, épouvantés d’être surpris par le jour dans les mystères de l’abîme.

Les tribus se précipitèrent par cette issue miraculeuse, torrent humain coulant à travers deux rives escarpées d’eau verte. L’innombrable fourmilière tachait de deux millions de points noirs le fond livide du gouffre, et imprimait ses pieds sur la vase que raye seul le ventre des léviathans. Et le vent terrible soufflait toujours passant par-