Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/68

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travers son mince tissu. Les baumes dans lesquels on l’avait baignée l’avaient comme empesée, et, en se détachant sous la traction des doigts du docteur, elle faisait un petit bruit sec comme celui du papier qu’on froisse ou qu’on déchire.

Un seul tour restait encore à enlever, et, quelque familiarisé qu’il fût avec des opérations pareilles, le docteur Rumphius suspendit un moment sa besogne, soit par une espèce de respect pour les pudeurs de la mort, soit par ce sentiment qui empêche l’homme de décacheter la lettre, d’ouvrir la porte, de soulever le voile qui cache le secret qu’il brûle d’apprendre ; il mit ce temps d’arrêt sur le compte de la fatigue, et en effet la sueur lui ruisselait du front sans qu’il songeât à l’essuyer de son fameux mouchoir à carreaux bleus : mais la fatigue n’y était pour rien.

Cependant la morte transparaissait sous la trame fine comme sous une gaze, et à travers les réseaux brillaient vaguement quelques dorures.

Le dernier obstacle enlevé, la jeune femme se dessina dans la chaste nudité de ses belles formes, gardant, malgré tant de siècles écoulés, toute la rondeur de ses contours, toute la grâce souple de ses lignes pures. Sa pose, peu fréquente chez les