Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/77

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met des pylônes, l’entablement des palais et des temples, dont les chapiteaux, à face humaine ou à fleurs de lotus, émergeaient à demi, rompant les lignes horizontales des toits, et s’élevant comme des écueils parmi l’amas des édifices privés.

De loin en loin, par-dessus le mur d’un jardin, quelque palmier dardait son fût écaillé, terminé par un éventail de feuilles dont pas une ne bougeait, car nul souffle n’agitait l’atmosphère ; des acacias, des mimosas et des figuiers de Pharaon déversaient une cascade de feuillage, tachant d’une étroite ombre bleue la lumière étincelante du terrain ; ces touches vertes animaient et rafraîchissaient l’aridité solennelle du tableau, qui, sans elles, eût présenté l’aspect d’une ville morte.

Quelques rares esclaves de la race Nahasi, au teint noir, au masque simiesque, à l’allure bestiale, bravant seuls l’ardeur du jour, portaient chez leurs maîtres l’eau puisée au Nil dans des jarres suspendues à un bâton posé sur l’épaule ; quoiqu’ils n’eussent pour vêtement qu’un caleçon rayé bridant sur les hanches, leurs torses brillants et polis comme du basalte ruisselaient de sueur, et ils hâtaient le pas pour ne pas brûler la plante épaisse de leurs pieds aux dalles chaudes