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le second rang du collier

gués, Jules surtout ; et il est même joli, ce blond aux yeux noirs, avec son teint blanc rosé et sa lèvre rouge. Mais je les trouve l’un et l’autre trop appliqués.

— Qu’entends-tu par là ?

— Je ne sais pas comment te faire comprendre, car je ne comprends pas très bien moi-même… Quand ils sont là, on est content de les voir, très intéressé par ce qu’ils disent, et cependant on ne se sent pas à l’aise, on dirait qu’on entre en classe… qu’on n’a plus le droit de dire des bêtises… c’est drôle… Enfin je ne sais pas m’expliquer.

— Je te comprends d’autant mieux, dit mon père, que je connais la raison de ton impression, qui est bien près d’être la mienne. Malgré le charme de leur causerie, leur aisance et leur désintéressement apparent, on sent en eux une préoccupation, une tension d’esprit. Ils ne causent pas, comme moi, par exemple, simplement pour le plaisir de causer : ils étudient et ils observent ; ils se documentent…

— Oui, c’est cela. Et même nous, qui n’avons qu’à écouter, nous sommes mal à l’aise. Je vois bien que, toi aussi, tu n’es pas comme toujours et que quelque chose te gêne.

— Oui, par moments, tout à coup, je suis inquiet, et je n’ose plus me déboutonner : ils écoutent avec une attention si intense, avec la volonté si évidente de retenir, d’apprendre par cœur ce qu’ils