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VII


Une grande dame russe, nouvellement installée à Paris, la princesse *** manifesta le plus vif désir de faire la connaissance de Théophile Gautier. L’espoir de le rencontrer, par hasard, ne se réalisant pas, elle se décida à écrire au poète son admiration pour lui et la joie qu’elle aurait de le voir.

La petite lettre parfumée, timbrée d’un chiffre d’or, fut apportée par Charles Yriarte, qui connaissait la princesse et était en relation avec mon père. L’aimable messager donna quelques détails biographiques sur la noble dame, dont Paris, disait-il, allait s’engouer : orpheline, presque en naissant, elle avait hérité, à l’âge de six mois, de huit cent mille livres de rente. Sous l’œil indulgent d’une grand’mère, elle avait grandi, pareille à une plante rare, entourée de soins et cependant libre, comme si l’on eût combiné pour elle la serre et la forêt vierge. Jeune fille, elle ne fit rien qu’à sa tête et soumit tout à ses caprices. D’assez bonne heure, elle s’était mariée ; elle avait deux fils. Maintenant veuve, belle, jeune, indépendante et frondeuse, elle courait le monde sans entraves et sans soucis,