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le second rang du collier

du dessert, on apporta avec solennité, la cafetière, le moulin, — car il fallait moudre au dernier moment, — l’eau bouillante, que l’on replaça sur un réchaud, et l’opération commença : lentement, goutte à goutte, se fit la mixture.

Enfin, M. B… versa son café dans les tasses. Mon père but le premier, sous l’œil attentif de son hôte, qui guettait la première manifestation d’enthousiasme. Il n’avala qu’une petite gorgée, et reposa sa tasse, d’un air singulièrement méditatif. Mais Mme  Ganneau, qui venait de goûter au breuvage, le rejeta brusquement avec un cri :

— Qu’est-ce que c’est que ça ?…

— Ce café a, en effet, une saveur bizarre ! dit mon père ; mais, moi, j’ai été stoïque, j’ai avalé sans broncher.

Chacun trempait ses lèvres, prudemment, dans sa tasse, et l’éloignait aussitôt, avec des grimaces variées.

— Messeigneurs ! nous sommes tous empoisonnés ! s’écria Toto.

— Ça, pas café… Monsieur Gautier boire : bien sûr, malade ! disait Tin-Tun-Ling, inquiet.

M. B… souriait d’un air entendu.

— Vous vous êtes tous concertés pour me faire une farce ! dit-il. Mais je ne suis pas votre dupe.

Et il but à son tour. Mais alors il changea de couleur, et la tasse trembla dans sa main.

— C’est abominable ! C’est monstrueux ! cria-