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le second rang du collier



Quand Victor Hugo laissait venir sa famille à Paris pour y passer quelque temps, M. Robelin ne manquait jamais d’inviter ces illustres hôtes à dîner chez lui à Neuilly. Mme Hugo et Charles (François-Victor ne quittait jamais l’exil) acceptaient toujours. Il y avait bombance alors, dans le logis du vieil architecte romantique, qui ce jour-là devenait prodigue. Vacquerie et Meurice étaient du festin, où nous étions aussi conviés.

Notre camarade Berthe, la fille de Robelin, dirigeait les préparatifs et surveillait l’œuvre de Rosalie, la vieille cuisinière grognonne, barbue et solennelle. Elle avait des talents de cordon bleu, que l’ordinaire frugal de la maison utilisait peu et qui n’étaient mis à l’épreuve que dans les grandes occasions. Son chef-d’œuvre était un pâté, resté fameux, qu’elle mettait plusieurs jours à parfaire et qui par ses dimensions eût été digne d’être servi sur la table des Burgraves, pour faire suite au « bœuf entier » : il était succulent, délicat et d’une complexité savante.

M. Robelin avait eu le bon sens de choisir, pour l’habiter, la moins bizarre de ses maisons : elle n’avait ni toits en éteignoirs ni tourelles en poivrière, mais on pouvait passer par l’escalier, on ne se cognait pas la tête au plafond et, dans les pièces