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le second rang du collier

du propriétaire et une autre petite maison mitoyenne. Il n’y a pas de séparation, pas de barrière ; là-bas, un escalier de pierre, qui fait pendant au nôtre, descend, lui aussi, vers les jardins, entre des vases de fonte, où les fuchsias alternent avec les géraniums. Rien ne gêne la vue, par-dessus le parapet, vers la fuite des allées et les vallonnements des pelouses où penchent des abricotiers.

Le propriétaire, un M. Achard, lapidaire, qui habite Paris, ne vient, avec sa famille, que du samedi au lundi ; le reste de la semaine, tout est clos chez lui, et nous pouvons marcher d’un bout à l’autre de la terrasse, ce qui fait près d’une centaine de pas.

De notre côté, la promenade s’achève devant un mur assez élevé, couvert de lierre du haut en bas, et toujours agité d’un chamaillis de pierrots. Ce mur joint d’un bout notre maison et de l’autre le parapet de la terrasse. C’est le coin le plus frais et on y trouve toujours de l’ombre. Quand on est fatigué de marcher, le mur bas de la terrasse, avec ses larges dalles, offre un banc des plus commodes. Mon père s’y assied, le bout de son pied touchant encore le pavé ; pour nous, c’est un peu plus haut : il nous faut prendre un élan, et, une fois assises, laisser pendre nos jambes.

C’est là que tous trois nous faisons assaut de mémoire, en récitant des vers de la Légende des siècles :

 
Charlemagne, empereur à la barbe fleurie…