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le second rang du collier

sement, bien décidées maintenant à l’escapade.

Au fond du jardin du propriétaire, une petite porte s’ouvrait sur une allée ombreuse, qui, en contournant plusieurs enclos, aboutissait aux berges de la rivière. Mais il fallut remonter jusqu’au pont de Neuilly pour louer un canot.

Toto prit les rames, et Rodolfo se mit au gouvernail. Nous étions ravies de glisser le long de l’île verdoyante, qui partage la Seine en deux bras, et que nous n’avions pas encore vue de près. Elle apparaissait, entre les branches qui penchaient vers l’eau, toute fleurie, et soignée comme un beau parc.

Le ciel était lourd, la rivière sombre, la menace d’un orage pesait ; cela inquiétait notre plaisir, en aggravant nos remords : ce serait joli si nous recevions une averse !

— Nous n’irons que jusque devant Saint-Cloud et nous reviendrons, disait Rodolfo.

Mais, avant que nous ayons atteint Suresnes, le grain crève en une pluie drue et serrée… Rien pour nous protéger, pas une ombrelle, pas même un fichu. Nous rions tout de même, narguant la Providence, qui sans doute s’est dérangée pour nous punir.

Toto était d’avis de virer de bord et de rentrer au plus vite ; mais nous étions trop loin, trempés déjà, et l’orage n’en était qu’aux préliminaires. Rodollo conseilla de gagner une petite auberge où