Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
le second rang du collier

si mauvais qu’il préfère n’en pas parler. Et moi, je n’ose souffler mot, très déçue et très mortifiée : aussi, c’était trop difficile !…

Un matin, j’étais à peine éveillée, quand mon père entre dans ma chambre, tenant le Moniteur universel tout déployé.

— Regarde !

Il me montre du doigt un titre : Eurêka.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Ton article !… Je l’ai jugé digne d’être imprimé, ce qui vaut mieux que tout ce que j’aurais pu te dire. Je voulais te faire une surprise ; ça a duré un peu longtemps. Tu as subi l’épreuve sans broncher, ce qui dénote une assez jolie force de caractère.

— Tu as refait l’article ?

— Je n’y ai pas changé un mot ; tu le verras bien…

Mais je n’ose pas le relire ; je le regarde, seulement. Il tient plusieurs colonnes, en très bonne place, et est signé : Judith Walter.

— C’est moi qui t’ai choisi ce pseudonyme, — dit mon père : — « Walter » c’est Gautier en allemand… et cela signifie : « Seigneur des Bois ! »

— Judith Walter est très ébahie, dis-je, et très contente ; pas trop orgueilleuse, tout de même, car elle comprend bien que, sans ta toute-puissante protection à ce journal, on l’aurait joliment envoyée promener, avec son article !