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CHEZ MONSIEUR LE MARQUIS.

ces d’étoffe de soie pour y lever, s’il était besoin, les habits de leurs rôles, on pense qu’elles eurent recours à toutes les ressources dont l’art se sert pour parer la nature, et se mirent sur le grand pied de guerre autant que leur pauvre garde-robe d’actrices ambulantes le leur permettait. Ces soins pris, on se rendit à la salle où le dîner était servi.

Impatient de sa nature, le marquis vint avant la fin du repas trouver les comédiens à table ; il ne souffrit pas qu’ils se levassent, et quand on leur eut donné à laver il demanda au Tyran quelles pièces il savait.

« Toutes celles de feu Hardy, répondit le Tyran de sa voix caverneuse, la Pyrame de Théophile, la Silvie, la Chriséide et la Sylvanire, la Folie de Cardenio, l’Infidèle Confidente, la Philis de Scyre, le Lygdamon, le Trompeur puni, la Veuve, la Bague de l’oubli, et tout ce qu’ont produit de mieux les plus beaux esprits du temps.

— Depuis quelques années je vis retiré de la cour et ne suis pas au courant des nouveautés, dit le marquis d’un air modeste ; il me serait difficile de porter un jugement sur tant de pièces excellentes, mais dont la plupart me sont inconnues ; m’est avis que le plus expédient serait de m’en fier à votre choix, lequel, appuyé de théorie et de pratique, ne saurait manquer d’être sage.

— Nous avons souvent joué une pièce, répliqua le Tyran, qui peut-être ne souffrirait pas l’impression, mais qui, pour les jeux de théâtre, reparties comi-