Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
LE CAPITAINE FRACASSE.

reconnaître sa route, il aperçut de loin le marquis de Bruyères qui marchait à côté de Sigognac et se dirigeait vers l’endroit fixé pour le duel. Léandre rabattit le rideau de cuir pour n’être pas vu par le marquis que le carrosse effleura presque. Un sourire de vengeance satisfaite erra sur ses lèvres. Les coups de bâton étaient payés !

L’endroit choisi était abrité du vent par une longue muraille qui avait aussi l’avantage de cacher les combattants aux voyageurs passant sur la route. Le terrain était ferme, bien battu, sans pierres, ni mottes, ni touffes d’herbe qui pussent embarrasser les pieds, et offrait toutes les facilités pour se couper correctement la gorge entre gens d’honneur.

Le duc de Vallombreuse et le chevalier Vidalinc, suivis d’un barbier-chirurgien, ne tardèrent pas à arriver. Les quatre gentilshommes se saluèrent avec une courtoisie hautaine et une politesse froide, comme il sied à des gens bien élevés qui vont se battre à mort. Une complète insouciance se lisait sur la figure du jeune duc, parfaitement brave, et d’ailleurs sûr de son adresse. Sigognac ne faisait pas moins bonne contenance, quoique ce fût son premier duel. Le marquis de Bruyères fut très-satisfait de ce sang-froid et en augura bien.

Vallombreuse jeta son manteau et son feutre, et défit son pourpoint, manœuvres qui furent imitées de point en point par Sigognac. Le marquis et le chevalier mesurèrent les épées des combattants. Elles étaient de longueur égale.