Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/120

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ailes ne lui eût pas semblé plus agréable, et cependant Saunders n’avait rien de particulièrement céleste ; mais Arundell éprouva à son aspect la même joie qu’un homme enterré vivant qui voit lever la dalle de son tombeau et trouve le hideux fossoyeur shakspearien un pur ange de lumière. Car, bien que les héros du roman ne doivent être accessibles à aucune faiblesse humaine, excepté à l’amour, il est souverainement désagréable de mourir de faim et de froid en habit noir, en gants blancs et en bottes vernies, dans un caveau glacé, sur un escalier envahi par la marée, la propre nuit de ses noces avec une des plus jolies héritières de Londres.

Où diable sera-t-il allé ? murmura Saunders, avant qu’un rayon de sa lumière eût rencontré Arundell dans l’ombre ; je suis pourtant bien sûr d’avoir fermé la grille à double tour, et les barreaux sont assez rapprochés l’un de l’autre pour que le plus mince gentleman, eût-il mis un corset de femme, ne puisse passer à travers. Cependant il doit être dans la chambre ou dans le caveau. Allons, descendons, et faisons une visite complète.

À peine Saunders eut-il mis le pied sur la première marche de l’escalier, qu’il se trouva face à face avec Arundell qui remontait précipitamment.

Ah ! vous voilà, milord ? dit le matelot d’un air de cordialité rude et de visible contentement. Vous trouvez la seconde pièce de votre appartement un peu humide et froide, et vous regrettez la première.

Et il soutint de sa main rugueuse le coude de