Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui lui était particulièrement désagréable et qu’il supportait à peine de ses intimes et de ses plus riches pratiques, Geordie fit un saut en arrière avec une assez grande légèreté pour un homme de sa corpulence, et, voyant son agresseur couvert de vêtements qui étaient loin d’annoncer la richesse, il fit ce calcul mental : Voilà un drôle qui consommera tout au plus une tranche de bœuf avec une pinte de demi-bière et un verre de wiskey, et qui est insolent comme un seigneur soupant d’une fine poularde arrosée de claret et de vin de Champagne. Je ne risque qu’un shilling et quelques pences à lui dire son fait.

— Eh bien ! animal, butor, bête brute, homme sans éducation, s’écria Geordie après le raisonnement que nous venons de transcrire, est-ce ainsi que l’on entre en conversation avec des gens comme il faut ? Je ne fais pas mes compliments à ceux qui vous ont élevé.

— Là, là, calmez-vous, gros homme ; est-ce que je pouvais rester devant vous fiché en terre comme un pieu jusqu’au jugement dernier ? J’avais toussé trois fois, je vous avais appelé deux fois par votre nom, maître Geordie, et vous ne bougiez non plus qu’un muids ; il fallait bien que je fisse sentir ma présence, répondit l’individu qui venait de frapper sur la panse à la Falstaff du digne hôtelier d’un ton railleur, où ne perçaient nulle crainte et nul repentir.

— Vous pouviez vous faire apercevoir d’une façon plus délicate, reprit maître Geordie d’un ton indigné encore, mais où la parole ferme et le re-